Contrairement aux apparences, l’ennui prend deux sens, deux directions : un sens fort, dans la langue classique, et un sens atténué qui domine aujourd’hui.
On oublie donc souvent que l’ennui décrit les tourments de l’âme causés par la mort, l’absence et le désespoir. On oublie aussi que, fidèle à sa racine latine – inodiare « être odieux, susciter de la haine » – le mot traduit une affliction et un dégoût qui donne envie de crever… d’un ennui mortel.
Dès le XIIIe siècle, le mot bifurque et prend un chemin qui émousse son tranchant. Le vide, l’inaction et les occupations sans intérêt viennent redessiner les contours de l’ennui. Entre le XVIIe et le XIXe siècle, une mélancolie vague s’installe et entoure le sentiment de sa brume langoureuse. Elle vient sans doute influencer l’image que l’on se fait aujourd’hui de l’ennui : privilège de l’inaction, joies de l’observation et paradis du vagabondage imaginaire. On exige alors de lui qu’il soit lascif et créatif. Mais s’il était tout simplement ennuyeux, l’ennui ?
Aurore Vincenti
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