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Trois secrets d’écriture de Michel Bussi

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Michel Bussi, « le maître du suspense », est l’un des auteurs préférés des Français. Depuis Nymphéas noirs, il enchaîne les best-sellers. Sa spécialité ? Le « twist », ou rebondissement inattendu.

Il nous livre aujourd’hui trois secrets d’écriture pour créer un bon roman à suspense. Découvrez vite cette interview de Michel Bussi en vidéo !

 

Secret #1 : « Tout commence par une histoire »

Depuis tout petit, j'ai eu tendance à inventer la suite des histoires que je lisais, que je regardais à la télévision. Il y avait là une sorte d'évidence : inventer des suites ou de nouveaux personnages et, surtout, me persuader que ces suites ou ces nouveaux personnages étaient tout aussi intéressants que ce que je venais de lire.

Je crois qu'on ne peut pas écrire si on ne sait pas ce qu'on doit écrire. C’est-à-dire que pour moi, écrire, c'est forcément être hanté par une histoire, par des personnages, par un lieu, par une atmosphère. Et c'est parce qu'on est « hanté » que l’on a envie d'écrire, pour sortir ces histoires de notre tête.

Écrire, c'est avant tout y croire et c'est tout voir à l'avance. C'est constituer les scènes dans sa tête, constituer ses personnages, ses lieux, ses ambiances. Et la grande difficulté, c'est de trouver des mots qui vont permettre de restituer tout ce qui existe dans ses pensées – et c'est souvent très frustrant parce qu'il faut beaucoup de travail pour arriver à un résultat qui commence à s'approcher de la perfection que nous avons en tête.

 

Secret #2 : « Faire du lieu un personnage »

Spontanément, quand j'ai commencé à écrire, j'ai attaché une importance particulière aux lieux. D'ailleurs, les romans que j'ai préférés, qui m'ont donné envie d'écrire, sont toujours des romans où les lieux ont une importance forte. Je peux citer Jules Verne – il y en a eu beaucoup d'autres. Sans doute parce que pour moi, la littérature, c'est avant tout l'évasion. C'est avant tout être dans son canapé ou son lit et partir ailleurs, traverser le livre pour avoir réellement l'impression d'être en Russie, en Australie ou aux Marquises ou ailleurs – y compris faire des voyages dans le passé ou le futur.

Choisir un lieu n’est pas compliqué, ce qui est difficile, c'est d'arriver à cette émotion pour le lecteur : qu'il se sente dans le lieu. Et il y a beaucoup d'écueils à éviter, en particulier d'être trop descriptif. Le risque est parfois de donner trop de détails : trop de détails vont tuer l'imaginaire – mais si on n'en donne pas du tout, on a quelque chose qui est désincarné.

Ma formation de géographe m'aide à plusieurs niveaux. Déjà, peut-être à poser ma caméra, à me dire : « tiens, ce lieu, je vais le regarder différemment de la façon habituelle ».

Il y a aussi la façon d'aborder un lieu de façon systémique (j'y tiens beaucoup). Quand je dis systémique, c'est-à-dire que l’on va tout aborder : aussi bien la dimension physique du lieu que la dimension sociale, que la dimension politique. Et c'est peut-être avec tout cela qu'on a une impression de réalité.

… Sans oublier qu'on est dans une fiction et que le lieu doit toujours rester un fantasme. C’est-à-dire qu’il ne s'agit pas seulement de coller à la réalité, il faut tricher avec la réalité pour que les lecteurs aient cette impression d'être dans un lieu qu'ils ne connaissent pas. Donc si vous êtes en Australie et qu'il n'y a pas de kangourous à l'endroit où vous êtes, il faut peut-être en mettre parce que les lecteurs l'attendent et c'est ce qui va leur permettre d'être en immersion !

Donc, selon les moments, il faut arriver à être un peu plus lyrique… Et puis parfois, il faut surtout ne pas le faire parce que ce ne serait pas le moment. D'ailleurs, un conseil que je donne souvent, c'est que j'écris mes descriptions à la fin du roman. C'est-à-dire que j'écris mon roman et la majorité des descriptions, je m’en charge à la fin, de manière à pouvoir les doser avec parcimonie.

 

Secret #3 : « Ne pas tout dire »

L'art d'écrire, ce n'est pas l'art de la description, c'est l'art de la suggestion – c'est très important. Imaginons que je décrive un personnage : je ne pourrais jamais tout décrire, je ne pourrais jamais décrire la couleur de ses yeux, de ses chaussures, dire tout ce qu'il est… Donc, je vais choisir un ou deux détails. Il y a toujours un écart important entre ce qui est écrit, qui se réduit à quelques mots, quelques éléments, et ce que le lecteur va voir, va penser au cours sa lecture.

Si vous n’annoncez pas exactement où se situe le lieu, le lecteur peut imaginer toute une série de choses. De même, si vous ne donnez pas la date, si vous ne dites pas exactement qui parle… Donc, je pense que l'art du suspense ou de la manipulation du twist, c'est vraiment l'art de l'omission, c'est-à-dire que vous donnez un certain nombre d'éléments et le lecteur va se persuader qu'il les a lus, qu'il les a visualisés, alors qu'en réalité, cette information n'a jamais été donnée.

C'est un art littéraire parce qu'on joue sur ce que permettent et ne permettent pas les mots.

Autre caractéristique de la littérature : elle nous place dans la tête des personnages. On peut être dans leurs pensées, ce qui n'est généralement pas le cas au cinéma (sauf si on utilise une voix off). La narration restitue donc les pensées des personnages et livre au lecteur des indices choisis. Évidemment, si vous restituez les pensées d’un meurtrier, vous allez devoir faire en sorte qu'il ne pense jamais à ses morts… sinon, vous le dénoncez !

Ainsi, vous pouvez jouer sur l'omission, mais sans jamais tricher : donner des éléments, livrer certaines pensées des personnages… mais pas tous les éléments.

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Découvrez La Fabrique du suspense, un récit captivant dans lequel Michel Bussi nous ouvre les coulisses de son écriture.

 

 

 

 

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