Qui dit foire dit libations ! Dans l’Antiquité, le mot latin feria désignait de grands marchés qui se concentraient en milieu rural.
À l’origine, ce sont des fêtes spécialisées. On trouve ainsi des foires aux bestiaux ou aux légumes. Les marchands de vin s’y pressent aussi, ce sont donc des occasions pour les paysans de tâter du flacon ! Or, dans bien des régions, ces derniers sont quasiment abstinents la plupart du temps. En Aubrac, par exemple, paysans et buronniers sont buveurs d’eau et de lait, mais le jour de foire, c’est la fiesta ! Les jeunes gens s’envoient alors entre 2 et 3 litres de vin…
La plus british des foires
Si les foires de Champagne sont, de loin, les plus populaires (durant 3 à 6 semaines, plusieurs fois l’an, et rassemblant une tripotée impressionnante de vendeurs et marchands), d’autres connaissent un grand succès. Comme celle de Bordeaux. En 1152, Jean sans Terre hérite de la couronne d’Angleterre. Le duché d’Aquitaine est alors une terre anglaise. Pour se faire un peu mousser, Jean sans Terre autorise, en 1215, les Bordelais à organiser une foire aux vins. Fort commode pour favoriser les échanges avec la perfide Albion, cette manifestation permettait de troquer le claret gascon contre la bonne laine des vallons britanniques ou les poissons salés des pays du Nord. Le succès est si bien au rendez-vous qu’au milieu du xive siècle, Bordeaux est l’une des rares villes en France à organiser deux foires par an. Un temps supprimées puis rétablies, les foires bordelaises faisaient ainsi fi du cycle viticole : au XVe siècle, sous Louis XI, on fêtait le vin au mois d’août, alors que les vendanges n’avaient pas commencé ! Mais qu’importe, car ces foires permirent l’impossible : rendre Jean sans Terre un poil plus populaire, mais surtout faire s’entendre Français et Anglais… comme larrons en foire.
Un coup pas foireux
Marronnier de la vente de vin en grandes surfaces, les foires aux vins attirent chaque année des hordes de débusqueurs d’affaires en or que l’on voit errer, un guide au poing, à l’affût de la perle rare. Né loin des vignes, ce coup de com’ spécial bonnes affaires apparaît pour la première fois dans un supermarché du Finistère, en 1973. En réalité, une première foire 100 % vins avait été inaugurée à Colmar en 1927. Manifestation agricole, elle devient la foire aux vins d’Alsace, et continue d’exister aujourd’hui. Mais pendant la parenthèse enchantée des années 1960-1970, c’est dans le temple de l’hyperconsommation que les acheteurs de vin se rendent : le breton Édouard Leclerc organise des foires permettant aux producteurs de vin de la grande distribution d’écouler les stocks avant les vendanges. Au menu : du prix et des coffres de voiture bien remplis ! Depuis longtemps, les cavistes se prêtent aussi à cette foire sans bestiaux.
Le vin chaud : une histoire bien glögg !
Réconfort de stations de ski, de marchés de Noël et de comédies enneigées, le vin chaud épicé est associé aux pays nordiques. C’est effectivement en Suède, au XVIe siècle, que l’on commence à faire chauffer du vin sucré, sous l’impulsion du roi Gustav Ier. Grand amateur de crus, il se délectait d’une potion chaude à base de vin rhénan, de miel et d’un mélange d’épices (clou de girofle et cannelle en tête). Plutôt aristo, ce breuvage devint fameux dans les marchés et les rues dès 1600. Il prend le nom de glögg (« vin chauffé »). L’engouement fut tel qu’au milieu du XVIIIe siècle, le roi Adolphe-Frédéric dut mettre le holà… Avant de succomber en 1771 à un dîner trop copieux suivi de 14 brioches à la pâte d’amande fouettée. Glögg ! Aujourd’hui connue sur les marchés de Noël alsaciens sous le sobriquet aux consonances extraterrestres de glühwein, la divine boisson semble faire l’objet de davantage de modération…
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