«Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point », dit-on parfois à propos d’un amoureux déraisonnable...
Lourde méprise, puisque Pascal ne parle nullement d’amour, mais de religion. Pour une bonne raison : au XVIIe siècle le cœur n’est pas encore le symbole des sentiments. Depuis l’Antiquité, le cœur est considéré comme le siège de divers attributs liés à l’esprit. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que le cœur devient enfin l’organe de l’amour, à la faveur des découvertes anatomiques. Celui-ci se prête à un jeu de mots avec le « cœur » des légumes, la partie centrale, la plus tendre (avant le XIXe siècle, on ne parle pas du « fond » mais du « cul » d’artichaut, à chacun de décider où se place le cœur).
Les cœurs d’artichaut sont inconstants depuis les années 1850. L’expression met en scène un artichaut dont on ôte une à une chaque feuille, elle abrège en réalité la forme proverbiale cœur d’artichaut, une feuille pour tout le monde. Une feuille, un amour… L’artichaut, qui tire son nom du dialecte lombard articcioco au XVIe siècle, arrive d’Italie avec Catherine de Médicis et conquiert l’Europe en raison de ses vertus aphrodisiaques. Au XVIIe siècle, il est inconvenant pour une jeune fille de consommer de l’artichaut !
Nathalie Gendrot
Stéphane Marie ramène sa fraise
Quelle merveille ! Est-il saveur plus subtile que celle d’un artichaut cueilli le matin? Originaire du pourtour méditerranéen, les Italiens l’introduisent sur les tables françaises à la Renaissance. Soupçonné à tort d’avoir des vertus aphrodisiaques, il défraie la chronique. « L’artichaut, le bel artichaut, pour monsieur et madame, pour réchauffer le cul et l’âme ! » criaient les marchands des quatre saisons à l’époque d’Henri IV, le roi supposément atteint de priapisme.
En fait, nous consommons le bourgeon de la fleur, soit le capitule, en commençant par les bractées, ces sortes de feuilles qui protègent la fleur. Nous ôtons les « poils », lesquels en se développant auraient donné de belles fleurs violettes. Puis nous dégustons le fond, soit le réceptacle floral, appelé « cul » jusqu’au XVIIe siècle. Un Allemand auquel mon grand-oncle avait servi un artichaut se serait exclamé « gros matériel, petit manger ! ». C’est mésestimer les qualités nutritionnelles de l’artichaut qui entretient les bactéries du colon tout en favorisant l’assimilation du calcium et du magnésium.
Artichaut, j’aime ton cœur !
Stéphane Marie
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