Ouverture qui est dans le visage de l'homme, qui sert à boire & à manger, à parler, à chanter, & à rire. Il faut bien examiner les remedes qui se prennent par la
bouche. On dit aussi, Dire de
bouche, parler de
bouche, parler
bouche à
bouche, pour dire, Parler à la personne même à qui on veut faire sçavoir quelque chose, sans la luy expliquer par message, ou par lettres.
On dit d'une grande
bouche, qu'elle est fenduë jusqu'aux oreilles. On dit, Faire la petite
bouche, non seulement pour dire, Affecter de faire paroistre qu'on a la
bouche petite, mais aussi pour faire paroistre qu'on est petit mangeur, qu'on est delicat au choix des viandes : & figurément on le dit d'un homme qui est sobre en ses paroles, qui ne veut pas dire tout ce qu'il sçait d'une affaire ; & au contraire on dit qu'il n'en fait pas la petite
bouche, pour dire, qu'il declare franchement tout ce qui en est. Le Sr. de Choisi dans sa Relation dit que la Reine de Siam fait coudre la
bouche aux Dames de sa Cour, quand elles parlent trop en sa presence ; & qu'elle la leur fait fendre jusqu'aux oreilles, quand elles ne parlent pas assez. Ce mot vient du
Latin bucca.
BOUCHE, se dit aussi des personnes qu'il faut nourrir. Le train de ce Seigneur est composé de cent
bouches : on y comprend les chevaux & les mulets. On a chassé de la ville les
bouches inutiles, c'est à dire, ceux qui étoient incapables de deffense.
En ce sens on appelle Despence de
bouche, celle qu'on fait seulement pour la nourriture de soy & de sa famille.
On dit aussi en ce sens, qu'un homme est sujet à sa
bouche, qu'il est sur sa
bouche, pour dire, qu'il est goulu, affamé. On dit, qu'un homme s'est osté le morceau de la
bouche, pour dire, qu'il s'est privé de ses necessités. On dit, qu'une chose fait bonne
bouche, quand elle laisse quelque bonne odeur dans la
bouche. On dit aussi, Garder une chose pour la bonne
bouche, pour dire, Garder la meilleure chose pour la servir la derniere. On dit aussi, qu'on laisse les gens sur la bonne
bouche, quand on interrompt le discours à l'endroit qui est le meilleur, & qui est le plus attendu.
Flus de
bouche, se dit non seulement de ceux qui crachent beaucoup, ou de ceux à qui on provoque la salivation par des remedes, mais encore de ceux qui parlent trop, qui ne se peuvent taire, qui disent tout ce qu'ils sçavent. On dit encore, Fermer la
bouche à quelqu'un, lors qu'on luy deffend de parler, ou qu'on l'interrompt, ou qu'on luy coupe la parole. On le dit aussi, quand on luy apporte des raisons si convainquantes, qu'il ne sauroit y respondre.
Au contraire on dit, qu'un homme n'ose ouvrir la
bouche, pour dire, qu'il n'ose se plaindre des maux qu'il souffre, des violences qu'on luy fait ; & aussi pour dire, qu'il est timide & honteux, qu'il n'ose dire son sentiment dans les compagnies où il se trouve.
BOUCHE, se dit aussi des ouvertures par lesquelles les fleuves se deschargent dans la mer. Damiette est sur une des
bouches du Nil. Le Danube se descharge par sept
bouches dans le Pont Euxin. On appelle aussi les Volcans ou les montagnes qui jettent des flammes, des
bouches de l'Enfer.
BOUCHE, en
termes d'Organiste, se dit de l'ouverture d'un tuyau qui donne libre entrée au vent. Elle est large de la quatre ou cinquiéme partie de sa grosseur. On la nomme ainsi, parce qu'on dit que les tuyaux parlent. On l'appelle quelquefois
lumiere.
BOUCHE, se dit figurément en Morale. Les playes d'un homme assassiné sont autant de
bouches muettes qui crient vengeance. les trophées, les grands monuments sont autant de
bouches qui annoncent la gloire des Heros. les charités que nous faisons aux pauvres sont autant de
bouches qui prient Dieu pour nous.
BOUCHE, signifie aussi chez le Roy & les Princes, Ce qui regarde leur boire & leur manger. Les Officiers de la
bouche. le vin de la
bouche. Aller à la
bouche du Roy, c'est à dire, au lieu où on luy prepare son manger. On dit aussi d'un mets qu'on veut bien priser, Quand ce seroit pour la
bouche du Roy, je n'en donnerois pas de meilleur. On dit aussi, Avoir
bouche à Cour, pour dire, Estre nourri aux tables & aux depens des Princes & des Grands Seigneurs.
On dit en Cour de Rome, Ouvrir la
bouche aux Cardinaux, en parlant d'une ceremonie qui se fait en un Consistoire secret où le Pape ferme la
bouche aux Cardinaux qu'il a nouvellement nommés, ensorte qu'ils ne parlent point, quoy que le Pape leur parle ; & ils sont privés de toute voix active & passive jusqu'à un autre Consistoire où le Pape leur ouvre la
bouche, & leur fait une petite harangue pour leur montrer de quelle maniere ils doivent parler & se comporter dans le Consistoire.
En
termes de Palais, on dit Ouïr un homme par sa
bouche, lors qu'il comparoist en personne, & non par procureur. On dit, qu'un vassal doit à son Seigneur la
bouche & les mains, pour dire, qu'il luy doit un hommage, aveu & soûmission : ce qui se fait en luy baisant les mains.
BOUCHE, en
termes de Manege, se dit des chevaux, & de la sensibilité qu'ils ont en cette partie où on leur met le mords. On dit, qu'ils ont la
bouche fine, tendre, legere, loyale, quand ils s'arrestent pour peu qu'on leve la main. Une
bouche fausse, est celle qui n'a aucune sensibilité. Une
bouche forte, ruinée, &
desesperée, se dit de ceux qui n'obeïssent point, qui s'emportent. Une
bouche assûrée, c'est celle qui ne bat, qui ne pese jamais à la main. On appelle un cheval sans
bouche, celuy qui n'obeït point au Cavalier.
Bouche chatouilleuse, c'est celle qui craint trop le mords.
Bouche à pleine main, est celle qui a l'appuy assûré, & qui souffre qu'on tourne la main sans se cabrer, ni peser sur le mords.
Bouche au delà de pleine main, ou
plus qu'à pleine main, est celle d'un cheval qui a de la peine à obeïr.
En ce sens on dit figurément d'un homme, qu'il n'a ni
bouche, ni esperon, pour dire, qu'il n'est bon à rien, qu'il ne sçait rien faire, ni même se laisser conduire : & on dit, qu'un homme est fort en
bouche, non seulement quand il est difficile à conduire, mais aussi quand il est avantageux en paroles, qu'il parle beaucoup, avec hauteur ou injures.
On dit en
termes de Guerre, la
bouche d'un canon. On dit aussi des munitions de
bouche, pour dire, Tout ce qui est necessaire à la subsistance d'une garnison, ou d'un peuple enfermé dans une ville assiegée. On dit aussi, qu'une garnison est sortie tambour battant, mesche allumée, balle en
bouche, pour dire, qu'elle est sortie avec un mousquet chargé, & une balle dans la
bouche pour le charger plus promptement une autrefois.
BOUCHE, ou
Bosson. Terme de Marine. C'est la rondeur des bancs & tillacs, & c'est proprement tout ce qui est relevé hors d'oeuvre, qui n'est pas plat & uni.
BOUCHE, se dit aussi adverbialement. Cette nouvelle va de
bouche en
bouche.
On appelle
en Poesie la Renommée, un monstre à cent
bouches.
BOUCHE, se dit proverbialement en ces phrases. Il a dit cela de
bouche, mais le coeur n'y touche, en parlant d'un hypocrite qui ne parle pas selon ses vrais sentiments. On dit, Faire venir l'eau à la
bouche, pour dire, Exciter l'envie, l'appetit de jouïr d'une chose qu'on descrit agreablement. On dit aussi, qu'on a traitté quelqu'un à
bouche que veux-tu, pour dire, qu'on luy a presenté toute sorte de mets les plus friands. On dit, Manger une chose de broc en
bouche, pour dire, tout chaudement. On dit aussi d'un indiscret qui dit tout ce qu'il sçait, que c'est un St. Jean
bouche d'or. On dit aussi,
Bouche cousuë, pour recommander le secret à quelqu'un. On dit, qu'il arrive beaucoup de choses entre la
bouche, & le verre, pour dire, qu'il ne faut qu'un moment pour faire manquer une affaire par quelque accident impreveu. On dit, qu'un homme a toûjours une parole à la
bouche, pour dire, qu'il a accoustumé de repeter souvent un même mot, une même sentence.