Être au septième ciel, ou bien, pour le dire en québécois, être aux oiseaux, c’est être transporté de joie.
L’étendue céleste fascine et fait rêver : rêve d’envol, de voyage dans les étoiles, d’apesanteur et d’infini – autant de façons d’échapper à notre condition humaine et terrestre, et à notre finitude. Néanmoins, le ciel des astronomes français ne peut pas être tout à fait identique au sky des astronomes anglo-saxons, incapable de suggérer heaven : notre ciel se charge d’une profondeur sémantique particulière qui ajoute à la référence atmosphérique et cosmologique un sens religieux (tomber du ciel, prendre le ciel à témoin, ciel !). Mais pourquoi compter ? Quels sont ces six autres ciels ou cieux que l’on dépasse pour être comblé ? Et au-delà ?
L’expression hérite de la cosmogonie antique, dans laquelle la Terre était au centre de l’univers ; tous les objets stellaires tournaient autour de notre planète. On se représentait ces objets, qui suivaient des trajectoires singulières, englobés dans des sphères transparentes : chacune correspondait donc à un ciel distinct ; il y avait le ciel de la Lune, puis celui de Mercure, de Vénus, du Soleil, de Mars, de Jupiter et de Saturne. Au-delà se trouvait le firmament, huitième sphère, qui supportait les étoiles fixes. On pouvait dire que l’on était ravi au ciel, c’est-à-dire métaphoriquement transporté, arraché du sol par un ravisseur (la mythologie antique compte bien des épisodes de ravissement…). On pouvait aussi déclarer que l’on était au troisième ciel, dans la sphère de Vénus, déesse de l’amour. Si la succession des ciels figurait une échelle où mesurer le bonheur, être au septième ciel, c’était tout simplement avoir atteint le dernier degré de la félicité. Dans le judéo-christianisme, où les chiffres 3 et 7 ont une forte charge symbolique, cette tradition cosmogonique a gardé ses expressions figurées, qui ont aussi résisté à la révolution copernicienne : être au septième ciel, c’est être au Paradis, ou plus exactement, l’espace d’un moment, avoir connu le Paradis sur Terre…
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À PROPOS DES AUTEURS ET AUTRICES DE L'OUVRAGE :
Étienne Klein est physicien et philosophe des sciences. Il dirige le laboratoire de recherche sur les sciences de la matière au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et enseigne à CentraleSupélec. Il anime l’émission Science en questions chaque samedi sur France Culture et est également l’auteur du best-seller Le Goût du vrai (Gallimard, 2020).
Amandine Mussou est maîtresse de conférences en langue et littérature françaises du Moyen Âge à l'Université Paris Diderot.
Nathalie Koble est archiviste paléographe. Elle est maîtresse de conférences à l’École normale supérieure (Paris) et à l’École polytechnique (Palaiseau). Ses travaux portent sur la mémoire inventive de la littérature médiévale et sur la traduction et la pratique de la poésie.
Florent Coste enseigne la littérature et la langue médiévales à l'Université de Lorraine et s'intéresse particulièrement aux rapports entre littérature et politique au Moyen Âge et aujourd'hui.
Yoan Boudes est doctorant en langue et littérature médiévales. Il s’intéresse aux savoirs, aux représentations et à l’écriture du monde animal et de la nature au Moyen Âge. Il est actuellement ATER à l’Université Lyon 2.
Laëtitia Tabard est maîtresse de conférences en langue et littérature françaises du Moyen Âge à l’Université du Mans.
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Crédits photo : Laurence Godart