Avaler quelque liqueur pour estancher sa soif, pour se rafraischir, pour se purger, ou pour le simple plaisir. Ainsi on dit,
Boire à sa soif, pour dire, Ne
boire que pour la necessité.
Boire frais,
boire à la glace,
boire pour se rafraischir.
boire, avaler une medecine.
boire à l'Allemande.
boire à tire larigot. Voyez
Larigot. boire d'autant.
boire tout pur.
boire comme un trou.
boire à longs traits, des rasades, de rouges bords, pour dire,
boire en debauché, & pour s'enyvrer. Il y a des animaux qui sont long-temps sans
boire, comme le chameau. L'Auteur de l'Histoire des Antilles assûre que les cochons des Caraïbes
boivent peu, ou point du tout ; que les chevres ne
boivent qu'une fois la semaine, les civettes qu'une fois le mois ; & que les vaches sont six mois sans
boire. Les Chinois tiennent pour un grand regal de
boire chaud ; & leur boisson qui est le thé, & le vin de ris, est toûjours sur le feu dans quelque vaisseau proche la table.
On dit absolument dans ce sens, qu'un homme est sujet à
boire, ou qu'il
boit, pour dire, qu'il est coustumier de s'enyvrer ; & qu'il
boit bien, pour dire, qu'il porte bien son vin ; qu'il
boit sec, pour dire, qu'il ne paroist pas qu'il soit desalteré, ou qu'il
boit jusqu'à la derniere goute, & qu'il laisse le verre à sec.
Boire à la santé, est une ceremonie de beuveurs qui se fait en saluant quelqu'un, lors qu'on veut
boire pour luy faire honneur, & porter une santé, inviter un autre d'en faire autant.
Boire à la ronde, c'est
boire la santé de toute la compagnie l'un aprés l'autre.
Boire les inclinations, c'est recommencer à
boire les santés des mêmes personnes. Crier le Roy
boit, c'est faire une ceremonie qui est en usage dans toute l'Europe, en élisant pour Roy au hasard, & par le moyen d'une feve, quelqu'un de la compagnie le jour des Rois, auquel on est obligé d'applaudir toutes les fois qu'il
boit.
BOIRE ensemble, est aussi un témoignage d'amitié, qui se fait en se donnant l'un à l'autre quelque repas. Il l'est aussi de reconciliation : car quand on veut raccommoder des gens brouillés, on dit qu'on les fera
boire ensemble. On dit même en ce sens au figuré, quand les voix, ou les instruments de deux Musiciens ne sont pas d'accord, qu'il les faut faire
boire ensemble.
BOIRE le vin du marché, est aussi une coustume pratiquée parmi le peuple, & sur tout à la campagne, de ne faire aucun marché sans aller
boire ensuitte en signe de bonne foy & de réjouïssance : & on dit aussi des petits presents qu'on donne aux valets, & aux artisans qui ont rendu quelque service, que c'est pour
boire, pour se réjouïr.
On dit poëtiquement,
Boire le Nectar, pour dire, Estre au rang des Dieux, assis à leur table.
Boire le Stix, le Cocite, pour dire, Estre mort, aller au Royaume de Pluton. On dit aussi, Ceux qui
boivent le Gange, le Thermodon, pour dire, les peuples qui habitent sur les rives de ces fleuves.
On dit figurément, que la terre
boit, que le papier
boit ; & de toutes les autres matieres seches & spongieuses, qu'elles
boivent, quand elles sont penetrées de quelque liqueur : & l'on dit en Chymie, que les alkalis
boivent les acides, pour dire, qu'ils s'en empreignent, qu'ils s'en imbibent, & qu'ils entrent l'un dans l'autre pour faire un corps nouveau & different des deux autres.
BOIRE le calice, se dit aussi figurément, pour dire, Souffrir avec patience quelque infortune qu'on ne peut éviter, faire quelque chose par une force majeure. En ce même sens on dit,
Boire un affront, une honte, une injure.
On dit en
termes de Lingerie & de Cousture, Mener
boire une estoffe, du linge, du passement, pour dire, le coudre lasche & un peu plissé.
On dit
au Manege, Boire la bride, quand le mords remonte trop haut, & se deplace de dessus les barres où se fait l'appuy.
On dit
en termes des Eaux & Forests, qu'une mare, un fossé, ou une chantepleure
boit en riviere, quand elle a quelque communication avec elle : ce qui est deffendu par l'Ordonnance.
BOIRE, est quelquefois
subst. & signifie, Boisson. Cet homme est si attaché à son travail, à son amour, qu'il en perd le
boire & le manger.
A BOIRE, se dit adverbialement & absolument. Donner
à boire. du vin prompt
à boire. chansons
à boire.
BOIRE, se dit proverbialement en ces phrases. On ne sçauroit si peu
boire qu'on ne s'en sente, se dit à ceux qui disent ou font quelque extravagance au milieu d'un repas. On dit, A petit manger bien
boire, pour dire, qu'on se recompense sur le vin, quand on n'a pas beaucoup de mets. On dit, qu'on commence matines par tousser, & soupper par
boire. On dit, Qui fait la folie la
boit, pour dire, que chacun doit porter la peine de sa faute. On dit encore, On ne sçauroit faire
boire un asne s'il n'a soif, pour dire, qu'on ne peut pas obliger un homme à faire une chose malgré luy. On dit encore, Puis qu'il est tiré, il le faut
boire, pour dire, qu'il faut poursuivre les affaires où on est engagé. On dit, qu'un homme a bien gagné à
boire, tant serieusement qu'ironiquement, quand il a fait quelque action utile, ou dommageable. On dit aussi,
Boire en asne, lors qu'on laisse une partie du vin dans le verre. On dit encore,
Boire le petit doit, le petit coup gaillard, pour dire, Faire une petite débauche entre honnestes gens. On dit,
Boire comme un Templier, comme un trou, pour dire,
Boire par excés. On dit aussi en voyant un homme yvre, Il a plus
bû que je ne luy en ay versé. On dit encore, Qui bon l'achete, bon le
boit.
BEU, EUË. part. pass. & adj.
On dit proverbialement, Aprés graces Dieu
bû : ce qu'on croit venir d'une Indulgence qui fut donnée aux Allemands qui
boiroient un coup aprés avoir dit graces, pour les obliger par ce moyen à les dire. On dit aussi, Il a toute honte
beuë, il a passé par devant l'huis du Patissier, en parlant d'un homme sans honneur qui se moque de tous les reproches qu'on luy peut faire. Ce proverbe vient de ce que les Patissiers tenoient autrefois cabaret sur le derriere de leur logis, où ceux qui avoient quelque pudeur entroient par une porte secrette ; & quand un debauché y entroit par la boutique, ou par le devant, on disoit qu'il avoit toute honte
beuë.
Tous ces mots viennent du
Latin bibere.