Happer, saisir avec les dents. La deffense des chiens & de la plus-part des animaux consiste à
mordre. C'est un grand vice à un cheval de
mordre. Quand on est
mordu d'une beste enragée, il faut aller à la mer.
MORDRE, se dit aussi de ce qu'on met sous les dents pour manger, ou pour le mascher, Dieu avoit deffendu à Adam de
mordre dans la pomme. Les Limosins ne couppent point leur fromage, ils
mordent à même.
MORDRE, se dit aussi de la vermine qui picque & perce la peau. Les pous, les puces, les fourmis
mordent, & sont incommodes.
MORDRE, se dit encore de plusieurs choses inanimées, corrosives & perçantes. La lime ne
mord point sur le diamant, sur l'acier bien trempé. L'eau forte commune ne
mord point sur l'or, mais
mord sur le cuivre. Cet homme est gras & replet, la fievre trouvera bien à
mordre sur luy.
MORDRE, en
termes d'Imprimerie, se dit lorsque la frisquette couvre ce qui doit paroistre.
MORDRE, se dit figurément en Morale, pour dire, Attaquer, deschirer la reputation d'autruy. Un Satyrique trouve à
mordre sur qui que ce soit ; il
mord il pince tout en riant. Un plaideur recherche tout ce qu'il y a
à mordre sur sa partie.
MORDRE, signifie aussi, aspirer, parvenir à quelque chose. Il voudroit bien avoir cette charge, mais elle est trop chere pour luy, il n'y sçauroit
mordre. L'Algebre est une science si eslevée, que peu de gens y peuvent
mordre.
MORDRE la poussiere, se dit
en Poësie, pour dire, estre tué dans un combat. On dit aussi,
Mordre, ses ongles pour dire ; se tourmenter à chercher une rime, à faire des vers, pendant lequel temps de depit on
mord ses ongles.
MORDRE, signifie aussi, ficher plus avant. On dit en coûture, qu'il faut
mordre bien avant dans l'estoffe, afin qu'elle ne se decouse pas. On dit
en Maçonnerie, Cette piece de bois ne
mord pas assez avant dans le mur, n'y advance pas assez pour y tenir ferme. Cette rouë ne
mord pas assez avant dans ce pignon, pour le faire tourner.
MORDRE, se dit proverbialement en ces phrases. Il vaut autant estre
mordu d'un chien, comme d'une chienne, pour dire, il n'importe pas qui fasse le mal. On dit aussi, quand des gens sont fort esloignez, qu'ils ne se
morderont pas. On dit aussi en excitant quelqu'un à se battre s'il t'égratigne
mords-le. On dit aussi d'une chose indifferente, qu'elle ne
mord ni ne ruë. On dit quand on fait ou quand on entend quelque chose qui donne de la satisfaction, qu'on
mord à la grappe. On dit aussi de celuy qui gouste une affaire qu'on luy propose, qu'il
mord à l'hameçon. On dit aussi à celuy qui a fait une faute dont il aura lieu de se repentir, qu'il s'en
mordra les pouces. On dit aussi en mesprisant les menaces d'un fanfaron, Tous les chiens qui aboyent ne
mordent pas. On dit encore d'un homme qui ne fait rien de ce que sa profession le devroit obligér de faire, que ce seroit un beau mastin, s'il vouloit
mordre. On dit aussi la mort n'y
mord. On dit encore d'une chose claire & visible, qu'un aveugle y
mordroit.
MORDU, UË. part. & adj. & quelquefois substantif. Les enfans se tesmoignent de l'amitié en mangeant reciproquement de leur
mordu.