Le « coup de foudre » transpose dans le langage des émotions l’idée de percussion spectaculaire, subite et violente.
L’expression apparaît dans la langue du XVIIe siècle : elle a d’abord désigné un événement qui surprend de façon soudaine et désagréable et engendre la stupeur - le mot foudre intensifie la brutalité du « coup », rapide comme l’éclair.
À la fin du XVIIIe siècle, l’expression se déplace dans la langue amoureuse ; la foudre y retrouve toute sa force sémantique. Le « coup de foudre » fait en effet entendre la violence de l’attirance que l’on éprouve pour quelqu’un, et qui paraît autant subie que subite : elle éblouit, transperce et engage tout l’être, qui se sent à la fois paralysé par la force du coup et embrasé par la flamme intérieure qu’il provoque.
Dans la culture occidentale, le coup de foudre amoureux est cependant valorisé : il est rare - dans le sillage d’une conception de l’amour profane héritée de la courtoisie médiévale, reprise et analysée par Stendhal dans De l’amour. Il renvoie à un imaginaire de la rencontre amoureuse sous le signe de l’élection, de la sublimation et d’un engagement, mystérieux et inconditionnel, qui manifeste la spécificité et la puissance de la vie affective. Souvent associé au motif de l’innamoramento, il met en lumière l’importance de la vue et la complexité des jeux de regards qui prennent part à la naissance du sentiment amoureux.
Un réseau d’images contradictoires, formalisé par la littérature romanesque et poétique, accompagne l’événement : frappés par le surgissement de l’être aimé, les amoureux foudroyés, hommes ou femmes, en intériorisent l’image ; le cœur en feu, ils se sentent irrésistiblement transportés. De nos jours, le coup de foudre a élargi son spectre d’emplois et s’est banalisé : on dit qu’on a eu un « coup de foudre » pour un lieu, une maison - on parle aussi de « coup de cœur » - façon d’adoucir le sens initialement brutal de l’expression.
À PROPOS DES AUTEURS ET AUTRICES DE L'OUVRAGE :
Étienne Klein est physicien et philosophe des sciences. Il dirige le laboratoire de recherche sur les sciences de la matière au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et enseigne à CentraleSupélec. Il anime l’émission Science en questions chaque samedi sur France Culture et est également l’auteur du best-seller Le Goût du vrai (Gallimard, 2020).
Amandine Mussou est maîtresse de conférences en langue et littérature françaises du Moyen Âge à l'Université Paris Diderot.
Nathalie Koble est archiviste paléographe. Elle est maîtresse de conférences à l’École normale supérieure (Paris) et à l’École polytechnique (Palaiseau). Ses travaux portent sur la mémoire inventive de la littérature médiévale et sur la traduction et la pratique de la poésie.
Florent Coste enseigne la littérature et la langue médiévales à l'Université de Lorraine et s'intéresse particulièrement aux rapports entre littérature et politique au Moyen Âge et aujourd'hui.
Yoan Boudes est doctorant en langue et littérature médiévales. Il s’intéresse aux savoirs, aux représentations et à l’écriture du monde animal et de la nature au Moyen Âge. Il est actuellement ATER à l’Université Lyon 2.
Laëtitia Tabard est maîtresse de conférences en langue et littérature françaises du Moyen Âge à l’Université du Mans.