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C’est la quadrature du cercle

C’est un problème insoluble
Drôles d'expressions

Cette expression est utilisée pour désigner un problème dont on sait par avance, parce que cela a été dûment démontré, qu’il n’a pas de solution.

Autrement dit, persister à tenter de le résoudre, c’est perdre son temps. L’origine de cette expression mérite quelque explication. Quarrer un cercle consiste à construire un carré ayant la même surface que lui. Cela est tout à fait possible, sauf si l’on tient compte de la contrainte que les savants de l’Antiquité imposaient à cet exercice : il ne fallait utiliser qu’une règle et compas. Ce problème de géométrie est celui qui a résisté le plus longtemps aux assauts des mathématiciens. Ils ont mis pas moins de trois millénaires pour démontrer qu’il était insoluble, autrement dit que la réalisation pratique de l’exercice était absolument impossible, en raison du fait que le nombre π est un nombre dit transcendant : il n’existe aucun polynôme à coefficients « rationnels » (c’est-à-dire s’écrivant comme le quotient de deux nombres entiers, positifs ou négatifs) dont π soit une racine (la démonstration en fut établie par le mathématicien allemand Ferdinand von Lindemann en 1882). Curieusement, leur démonstration ne s’appuie nullement sur l’argument fourni par l’anagramme prémonitoire de la quadrature du cercle : calcul rare du détraqué.

ÉTIENNE KLEIN

LE PETIT MOT DES LINGUISTES

Le terme quadrature est emprunté au latin et y résonne la même racine que celle de quadrilatère ou de quadriceps. C’est à la même famille de mots qu’appartient le terme carré. Pourtant, si l’expression c’est la quadrature du cercle renvoie à un problème impossible à résoudre, ce n’est pas parce qu’elle ferait référence à des essais désespérés pour faire entrer un rond dans un carré. Quadrature désigne, en géométrie, l’opération consistant à réduire une aire donnée à un carré de surface équivalente. Le mot carré connaît lui aussi des emplois figurés, notamment dans la locution au carré : une coupe au carré, un lit fait au carré. Mettre la tête de quelqu’un au carré ou lui faire la tête au carré signifie « le frapper », en déformant son crâne, ce qui est une version pour le moins brutale du problème de la quadrature du cercle.

À PROPOS DES AUTEURS ET AUTRICES DE L'OUVRAGE :

Étienne Klein est physicien et philosophe des sciences. Il dirige le laboratoire de recherche sur les sciences de la matière au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et enseigne à CentraleSupélec. Il anime l’émission Science en questions chaque samedi sur France Culture et est également l’auteur du best-seller Le Goût du vrai (Gallimard, 2020).

Amandine Mussou est maîtresse de conférences en langue et littérature françaises du Moyen Âge à l'Université Paris Diderot.

Nathalie Koble est archiviste paléographe. Elle est maîtresse de conférences à l’École normale supérieure (Paris) et à l’École polytechnique (Palaiseau). Ses travaux portent sur la mémoire inventive de la littérature médiévale et sur la traduction et la pratique de la poésie.

Florent Coste enseigne la littérature et la langue médiévales à l'Université de Lorraine et s'intéresse particulièrement aux rapports entre littérature et politique au Moyen Âge et aujourd'hui.

Yoan Boudes est doctorant en langue et littérature médiévales. Il s’intéresse aux savoirs, aux représentations et à l’écriture du monde animal et de la nature au Moyen Âge. Il est actuellement ATER à l’Université Lyon 2. 

Laëtitia Tabard est maîtresse de conférences en langue et littérature françaises du Moyen Âge à l’Université du Mans.


 

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