Quand on fleurit notre langage de cette expression, on cite en réalité la fin du Candide de Voltaire (1759).
On l’a quelque peu pervertie par un tour individualiste en parlant de « son jardin », alors que Candide préconise: « Il faut cultiver notre jardin. » Comprendre: chacun doit exercer ses talents, chacun doit faire sa part du travail pour faire progresser la société. Le philosophe oppose « notre jardin », c’est-à-dire notre bonne vieille Terre, au jardin d’Éden qui n’offre que des illusions. Nous ne devons nous préoccuper que des problèmes qui se trouvent à notre portée plutôt que de métaphysique. Le mot cultiver, issu du latin cultus, veut dire au XIIe siècle « cultiver la terre », mais dès le XVIe siècle il signifie aussi « former en éduquant et en instruisant » et « consacrer du temps, développer par l’exercice ».
Juste après la publication de Candide, Voltaire quitte sa demeure des « Délices » – le « palais d’un philosophe avec les jardins d’Épicure » – et fait l’acquisition du domaine de Ferney, près de Genève, où il passe ses vingt dernières années. Voltaire transforme la vieille bâtisse médiévale entourée de marécages en château cossu prolongé d’un jardin à la française. Il assèche les marais, développe l’agriculture locale, crée une magnanerie (élevage de vers à soie) et une manufacture d’horlogerie. Voltaire se vante de labourer ses champs lui-même… Le « hameau misérable » devient un village prospère grâce à ses investissements ruraux. Voltaire ouvre les portes de ce bienheureux séjour à toute l'intelligentsia du siècle et devient « l’aubergiste de l’Europe ».
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