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L'herbe est toujours plus verte ailleurs

On croit toujours que les autres sont mieux lotis, qu’on trouvera mieux ailleurs.
Drôles d'expressions

Un beau jour, la chèvre de Monsieur Seguin s’ennuya dans son enclos. « L’herbe du clos lui parut fade. »

La chevrette persuada son maître de la laisser se dégourdir les jambes dans la bruyère de la montagne. « C’est là qu’il y en avait de l’herbe ! jusque par-dessus les cornes […] ! Et quelle herbe ! Savoureuse, fine, dentelée, faite de mille plantes… » Mais à la tombée du jour, la chèvre fit une mauvaise rencontre : après une nuit de lutte sous les étoiles, elle se laissa dévorer. Le conte d’Alphonse Daudet (Lettres de mon moulin, 1887) semble développer le proverbe l’herbe est toujours plus verte ailleurs, dont les origines sont nébuleuses et l’inspiration probablement ancienne. Il dénonce un mirage auquel on ne résiste pas à croire.

« Il n'y a pas d'ailleurs
Où guérir d'ici »

Eugène Guillevic jure que l’herbe n’est jamais plus verte ailleurs (Du domaine, 1977). Ailleurs vient du latin alius, « autre ». Comment ne pas imaginer autre chose que le lassant quotidien ? Lorgner sur le pré du voisin, convoiter une autre pâture, croire enfin que cette herbe est forcément plus fraîche que celle qu’on se met sous la dent… Bref : rêver.

Le mot de Stéphane Marie

Mais qu’ont-ils donc mes moutons, à toujours vouloir aller dans le champ du voisin ? Sans doute le goût du dépaysement ! Pourquoi cette obsession pour une herbe toujours plus verte ? Et de quel vert est-il question ? Un vert tendre quasi fluo, comme cette nouvelle herbe qui pousse en fin d’hiver dans les champs et dont la fraîcheur révèle le manque de lumière en ces journées encore trop courtes ? Ou celui des terrains de golf et de football qui, pour la beauté de l’image, sont régulièrement saupoudrés d’engrais azotés et abondamment arrosés ? Un cocktail qui provoque son lot de maladies cryptogamiques, causées par des champignons qu’il faut régulièrement traiter. Mes moutons goûteront-ils ces nouvelles pelouses en matière plastique aujourd’hui déroulées sur les stades ? Que penseront-ils de ces terrains vus en Italie dont les abords des buts, complètement pelés, sont passés à la peinture verte ?

Chers moutons, promenez-vous mais, surtout, ne lâchez pas la proie pour l’ombre !

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Retrouvez cette expression et bien d'autres dans l'ouvrage 150 drôles d'expressions pour cultiver son jardin, par Nathalie Gendrot et Stéphane Marie.

Crédits photo : biletskiyevgeniy.com/Shutterstock.com 

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