Qui a la faculté de discerner le bien d'avec le mal, le vray d'avec le faux. La raison est un bon
juge, quand elle n'est point préoccupée. Nos sens sont de mauvais
juges, ils se trompent souvent.
JUGE, se dit aussi de la faculté ou de la science qui a cette connoissance, ce discernement. L'entendement est le
juge de toutes choses. l'oeil est le
juge des couleurs ; l'oreille le
juge des sons : le nez des odeurs. l'art de la Logique est
juge de la bonté d'un argument ; la Geometrie de la quantité ; la Physique des corps naturels. Ce curieux est bon
juge d'un tableau. il n'y a point de
juge plus severe que nostre propre conscience.
JUGE, se dit aussi des puissances superieures qui ont pouvoir de rendre à chacun ce qui luy appartient, d'absoudre & de condamner. Dieu est le grand, le souverain
juge des vivants & des morts. Les Souverains sont
juges de leurs sujets. l'Eglise est
juge des articles de la foy. Chez les Juifs leurs Chefs ont esté quelque temps appellés
Juges. Debora estoit une femme
Juge : il en est parlé dans le Livre des
Juges, qui est un des Livres Canoniques de l'Escriture.
JUGE, se dit aussi des Officiers qui sont establis par les puissances ; pour rendre en leur nom à ceux qui leur sont soûmis, la justice qu'ils ne peuvent pas leur rendre en personne. Les
juges ordinaires ou premiers
Juges, sont les
Juges du domicile des parties. Les
Juges d'appel, sont ceux qui sont establis pour reformer les sentences des
Juges inferieurs qui auront mal jugé. Les
Juges souverains sont les
Juges en dernier ressort, comme les Parlements, le Conseil du Roy, &c. Les Maistres des Requestes se disent aussi
Juges souverains en cette partie, quand ils jugent des affaires qui leur ont esté renvoyées par le Conseil. Ce mot vient du
Latin judex, qui est dit comme
jus dicens, celuy qui rend des sentences, qui fait justice aux parties.
JUGE SUBALTERNE. ou
Juge à quo, est un
Juge estably par un Seigneur dans sa terre. On appelle aussi
Juge pedanée, un
Juge de village qui
Juge de bout sur ses pieds, qui n'a point de siege.
Juge Royal, qui est estably par des provisions du Roy, qui rend la justice en son nom.
Juge commis, celuy qui est
Juge de quelques personnes, ou de cas privilegiez, comme ceux des Requestes du Palais ou de l'Hostel pour les Commensaux & Officiers de la Maison du Roy.
Juges Consuls, ceux qui sont establis pour juger entre les Marchands. A Lyon il y a un
Juge Conservateur des privileges des Foires. Le Prevost de Paris est
Juge Conservateur des privileges de l'Université. Ses Lieutenans sont
juges Civils,
Juges Criminels,
Juges de Police. Les
Juges Presidiaux sont
Juges en dernier ressort jusqu'à 250. l. & avec les Prevosts des Mareschaux sont
Juges des cas prevostaux. En Cour Ecclesiastique il y a des Officiaux qui sont
Juges de ceux qui sont dans la Clericature, dont les
Juges lays ne peuvent connoistre. Les Intendans de Justice sont des
Juges deleguez & départis dans les Provinces, qui ont aussi des
Juges subdeleguez. En quelques villes il y a un
Juge Maje ou grand
Juge, comme à Clugny, &c. On appelle
Juges bottez, les Capitaines en un Conseil de guerre, Les Prevosts des Mareschaux, les Gentilshommes qui ont seance dans les Compagnies.
On dit qu'un homme est
juge competant, quand la connoissance d'un different luy appartient. On appelle de sa sentence comme de
Juge incompetant, quand elle ne luy appartient pas. On intime un
Juge en son propre & privé nom, quand on le prend à partie, quand il a prevariqué, lors qu'il y a de son fait, qu'il s'est rendu
Juge & partie. On recuse un
Juge, quand il est suspect à cause de ses parentés ou alliances. On se pourvoit en reglement de
Juges au Grand Conseil, ou au Conseil Privé, quand il y a un conflit de Jurisdiction entre plusieurs
Juges. On dit aussi, Choisir des
Juges, convenir de
Juges, quand on prend des arbitres, ou des amiables compositeurs pour terminer un different, soit qu'ils soient Officiers ou non. On dit aussi, que l'on constituë quelqu'un
Juge en sa cause, quand on s'en rapporte à son serment.
On dit proverbialement, De fol
Juge bréve sentence, pour dire, qu'il juge temerairement & en un mot. On dit, Appeller de la face du
Juge, quand on se plaint de sa sentence avant qu'il l'ait prononcée.