S'acquitter envers quelqu'un de ce qu'on luy doit. Il faut
rendre ses voeux à Dieu ;
rendre ses devoirs, ses respects à ses superieurs. Il faut
rendre la foy & hommage à son Seigneur. Il faut que les mariez se
rendent le devoir du mariage. Il faut
rendre honneur à qui il appartient. J'ay été luy
rendre mes obeïssances.
RENDRE, signifie aussi, Payer ce qu'on a emprunté. Je luy ay
rendu son argent en mêmes especes. On est toûjours amis au prester, & souvent ennemis au
rendre. Un ingrat emprunte à jamais
rendre. Les ingrats
rendent le mal pour le bien. Les societez sont établies pour se
rendre un secours reciproque. Il faut
rendre le pain benit, quand on a receu le chanteau.
RENDRE, signifie aussi, Donner à chacun ce qui luy appartient. La justice est la vertu qui
rend à chacun le sien. Vous ne
rendez pas justice à cet homme-là, de le croire capable de cette lâcheté. Un Commis doit
rendre bon compte à son maistre.
RENDRE, signifie aussi, Restituer ce qu'on a pris, volé, mal acquis. On a fait
rendre gorge aux Traittans, aux voleurs publics. Le Procureur General s'est
rendu partie contre ces voleurs. On ne peut obtenir d'absolution, si on ne
rend ce qu'on a pris injustement. On a condamné cet homme à
rendre & restituer les fruits de ce Benefice, de cette terre.
RENDRE, signifie aussi, Recompenser, donner, rapporter. Dieu
rend le centuple de ce qu'on donne en son nom. Ses miracles ont
rendu la veuë aux aveugles, la parole aux muets, la santé aux infirmes. Le Parlement a
rendu, a donné un arrest en cas semblable. Ce Fermier
rend tant à son maistre de sa ferme. La Gabelle
rend tant au Roy. Les vignes fumées
rendent beaucoup plus que les autres. La meilleure viande est celle qui donne le plus de jus. Les bleds ne
rendent rien cette année.
RENDRE, signifie, Exhaler, vuider, faire sentir au dehors. Ce malade
rend le sang tout clair, il n'a pû rendre ce remede. Il a
rendu son ame à Dieu, il a
rendu l'esprit. Cet homme est si saoul, qu'il
rend le vin par les yeux. Les luths de Boulogne
rendent un beau son. Le sel d'urine
rend une odeur fort puante. Les vers luisans
rendent une lumiere fort vive. Le sel en trop grande quantité
rend une sauce amere.
RENDRE, signifie encore, Acquerir quelque qualité nouvelle, changer d'état. La trop grande meditation peut
rendre fou. L'excés de boire
rend malade. L'affliction
rend les gens sages ; l'âge les
rend devots. Il s'est
rendu complaisant auprés de sa maistresse ; elle l'a
rendu heureux, il l'a épousée. Ce valet s'est
rendu necessaire. Il ne faut pas se
rendre trop familier auprés des Grands. Il est dangereux de se
rendre caution. Le bris des prisons
rend un accusé criminel. C'est la noix de gale qui
rend l'encre noire, la gomme la
rend luisante. Cette raison l'a
rendu muet, luy a fermé la bouche. Un Orateur doit d'abord se
rendre favorable ses Juges. Cet homme s'est
rendu Hermite, Capucin, Religieux, &c.
RENDRE, avec le pronom personnel signifie, Se confesser vaincu, se livrer à son ennemi, avoüer sa foiblesse. Ce Gouverneur a
rendu la place aprés trois mois de siege, il s'est
rendu à composition ; il a été contraint de se
rendre à discretion, il s'est
rendu à l'extremité.
RENDRE, se dit figurément en Morale. Cet Heretique enfin s'est rendu à la raison. Il s'est
rendu à l'advis de ses amis. Il n'y a que les opiniastres qui ne se
rendent jamais. Un bon Chrestien doit
rendre le bien pour le mal. Il a
rendu les armes à cette beauté, il s'est confessé vaincu par ses attraits. On dit aussi en débauche, qu'un homme se
rend, qu'il avouë sa foiblesse, qu'il ne peut plus boire ni manger. On dit aussi, qu'un homme s'est
rendu aux civilitez, aux prieres, aux larmes, à la pitié, pour dire, qu'il s'est laissé vaincre, flêchir.
RENDRE, se dit au contraire de la victoire, de la superiorité qu'on obtient sur quelque autre. Le Roy s'est
rendu maistre de plusieurs Provinces. Cet homme est facile, on se
rend absolument maistre de son esprit. Un Rapporteur se
rend maistre d'une affaire. Ce Conquerant s'est
rendu redoutable, puissant, odieux, il s'est
rendu l'arbitre de la paix & de la guerre.
SE RENDRE, signifie aussi, Se trouver en un lieu, y arriver. Je me suis
rendu au logis à l'heure de l'assignation. Il a eu ordre de se
rendre auprés du Roy, à la Cour, à son Regiment. Il s'est
rendu fort assidu auprés de cette femme.
On dit aussi des choses inanimées, qu'un chemin
rend en un tel endroit, pour dire, qu'il y aboutit. Cette maison
rend par derriere sur le rempart, elle y a une issuë. Il y a bien des rivieres qui se
rendent dans la Loire, qui y affluent. Ce vin revient à tant
rendu & conduit à Paris,
rendu dans la cave, c'est à dire, tous frais faits.
En
termes de Marine, on appelle
rendre le bord, quand on arrive, & qu'on vient mouiller en quelque port ou rade ; quand on revire le bord, & qu'on porte le cap sous un autre vent. Le vaisseau est venu
rendre bord à la Rochelle.
En
termes de Manege, on appelle
rendre la main, quand on lâche la bride.
RENDRE, se dit aussi en plusieurs phrases particulieres. On dit,
Rendre visite à quelqu'un, encore qu'on n'en ait point receu de luy : luy
rendre sa parole, pour dire, le dégager de ce qu'il avoit promis. On dit aussi,
Rendre les paroles à quelqu'un, lors qu'on le combat en mêmes termes, qu'on luy fait les mêmes reproches qu'il a faits. On dit aussi, que les faux Dieux
rendoient des oracles,
rendoient réponse sur ce qu'on les consultoit. Un Philosophe doit
rendre raison de tout ce qu'il avance. Un inferieur doit
rendre raison de sa conduite à ses superieurs. On dit aussi,
Rendre témoignage tant en Justice, que dans des Escrits. On dit aussi,
Rendre de bons ou de mauvais offices, pour dire, Servir ou desservir quelqu'un. On dit aussi,
Rendre une Lettre, pour dire, la faire tenir à son adresse. J'ay bien des graces à vous
rendre, pour dire, Je vous suis fort obligé. On dit aussi, Ce passage a été
rendu mot pour mot, pour dire, fort bien traduit.
RENDRE, se dit proverbialement en ces phrases. Il faut
rendre à Cesar ce qui appartient à Cesar. Ce qui est bon à prendre, est bon à
rendre. Du dérober au
rendre on gagne trente pour cent. Ce proverbe vient de l'Italien,
D'al robar al restituir si guadagna trenta per cento. On dit aussi, Cet homme a bon coeur, il ne
rend rien. On dit aussi, Ville qui parlemente est à demi
renduë. On dit aussi, Grand mercy jusqu'au
rendre. Dieu vous le
rende en Paradis chaud comme braise. On dit aussi, Ce n'est pas un presté, c'est un
rendu, quand quelqu'un fait une prompte risposte, & rend à un autre le change, luy rend la pareille. On appelle aussi un Tresorier sans
rendre compte, un homme qui gouverne absolument son maistre.
RENDU, UË. part. pass. & adj. On appelle un soldat
rendu, un deserteur du parti ennemi.