Separer les parties d'un corps par violence en deux, ou en plusieurs pieces. On a trouvé l'adresse de
rompre un baston sur deux verres sans les casser. Quand on
rompt une larme de verre par la pointe, elle se separe en mille pieces. Voilà un mur trop chargé, qui se
rompt, qui creve. Les arbres
rompent, tant ils sont chargés de fruits.
ROMPRE, signifie quelquefois simplement, Déchirer, user. Vostre bas est
rompu, faites y reprendre une maille. Ce pourpoint est
rompu, il y a un trou au coude. Cette tapisserie est
rompuë, on y a fait un accroc, il la faut racommoder. Il s'est
rompu l'estomach à force de crier.
ROMPRE, signifie aussi, Détruire, abattre, ruiner. Les gens de guerre
rompent, brisent tout. On
rompt les portes d'une ville avec un petard. Quand la mer
rompt les digues de la Hollande, elle inonde tout le pays.
ROMPRE, en
termes de Guerre signifie, Deffaire, percer, enfoncer. Dés le premier choc ce bataillon fut
rompu, ouvert & mis en fuite. Les Romains furent
rompus & deffaits par Annibal en la journée de Cannes. Autrefois les cavaliers faisoient des deffis de
rompre une lance, de
rompre en lice. Le General a
rompu son camp, c'est à dire, a decampé, a changé de poste. Il a fait
rompre les ponts, il en a fait abattre, ou enlever une arche ; il a
rompu ces palissades.
ROMPRE, se dit aussi en parlant des cheutes, des blessures. Il est tombé de bien haut, il s'est
rompu le cou, il s'est tué, il s'est
rompu les reins ; il s'est
rompu un bras, une jambe, pour dire, il s'est demis un bras, une jambe. Ce fanfaron ne fait que menacer qu'il
rompra bras & jambes, il veut tout
rompre. On dit en ce sens au figuré, qu'un Rapporteur a
rompu bras & jambes à quelqu'un, pour dire, qu'il l'a fait condamner le plus severement qu'il a pû.
ROMPRE, signifie aussi, Roüer, faire endurer le supplice de la rouë. On doit
rompre deux hommes ce soir, ou leur cassera les os.
ROMPRE, signifie aussi, Oster une closture, une separation. On a
rompu cette cloison, afin de ne faire qu'une chambre de ces deux. Il a
rompu ce mur de separation pour aggrandir sa cour. Il a
rompu son parc, c'est à dire, il y a fait faire plusieurs ouvertures pour passer à travers, il en a osté la closture.
Rompre sa table,
rompre sa maison, son train,
rompre mesnage, c'est à dire, Ne tenir plus table ouverte, donner congé à ses gens, pour vivre en particulier & en retraitte, ou en pension.
ROMPRE, se dit aussi des choses où il y a de la discontinuation, soit par fracture, soit par autre obstacle. On dit que les postes son
rompuës, quand on n'est pas asseuré de trouver des chevaux aux lieux des postes. Les chemins sont
rompus, quand ils sont depavez ou enfondrez par le charroy, par les pluyes, les bourbiers, la gelée, ou par des fossés, ou traverses qu'on y faites. On fait des machines, des constructions pour
rompre le vent, le fil de l'eau.
On dit
rompre l'eau à un cheval, pour dire, l'empêcher de boire tout d'une haleine, luy lever la tête pour le faire boire à diverses reprises. On dit aussi
au Manege, rompre un cheval au trot, au galop, à la course, pour dire, l'exercer peu à peu à trotter, à galopper, à courir.
En
termes d'Optique on dit que la lumiere ou le rayon visuel se
rompt, lors qu'il passe d'un milieu à un autre plus rare, ou plus dense : & c'est l'effet qu'on appelle
refraction, & qui est le fondement des lunettes.
ROMPRE, se dit figurément en choses spirituelles & morales. Un Geometre se
rompt la tête à chercher la quadrature du cercle. Un Juge a la tête bien
rompuë de sollicitations, il en est bien importuné, il en a les oreilles bien
rompuës. En Musique, en Poësie, à la Danse, on dit qu'on
rompt la mesure, la cadence, quand on ne sçait pas bien les regles prescrites. On dit en amour, qu'on a
rompu ses liens, ses fers, ses chaisnes, quand on s'est dégagé d'une passion violente ; qu'on a fait
rompre, casser un mariage. On dit aussi, qu'on a
rompu amitié, societé, commerce avec quelqu'un, ou absolument, qu'on a
rompu, pour dire, qu'on s'est separé d'avec luy, ou qu'on est devenu son ennemi. On dit en ce sens,
rompre une ligue, une alliance, un traitté ;
rompre la paix,
rompre un marché, un accord, c'est s'en desdire, ou manquer à les conclurre. On dit aussi,
rompre l'assemblée, la conversation, pour dire, en empêcher la continuation.
Rompre son voyage, son dessein, pour dire, Changer de resolution. On dit encore, qu'on a
rompu son jeusne, qu'on a
rompu le Caresme, quand on n'a pas observé la regle prescrite pour jeusner : qu'on a
rompu ses voeux, son serment, sa parole, quand on a manqué à ce qu'on avoit promis à Dieu, ou aux hommes. On dit aussi, qu'un Religieux a
rompu la closture, quand il s'est échappé du Couvent.
À TOUT ROMPRE. adv. Tout au plus, au pis aller. Cette dépense ne peut aller que jusqu'à telle somme
à tout rompre. J'auray toûjours mon recours contre un autre
à tout rompre, au pis aller.
ROMPRE, se dit proverbialement en ces phrases. On dit qu'un homme a
rompu la glace, pour dire, qu'il a le premier entrepris une chose hardie & perilleuse ou difficile, & qu'il a monstré le chemin aux autres. On dit aussi, On verra beau jeu, si la corde ne
rompt, lors qu'on fait de grandes promesses, qu'on donne de belles esperances de quelque chose. On dit ironiquement d'un fanfaron, qu'il
rompra tout, si on ne le marie. On dit aussi,
rompre l'anguille au genou, pour dire, Faire une chose impossible, ou prendre un mauvais moyen pour faire reüssir une affaire. On dit aussi, que des gens ont
rompu la paille, pour dire, que des amis, ou associez se sont brouillez ou separez. Voyez l'origine de ce proverbe à
Paille. On dit encore en parlant d'une femme grossiere, Elle n'en
rompra pas si-tost. On dit aussi, Il vaut mieux ployer que
rompre, pour dire, qu'il vaut mieux ceder, obeïr, que de se perdre entierement. On dit aussi,
rompre en visiere à quelqu'un, pour dire, luy faire une querelle de gayeté de coeur, l'attaquer par des paroles offensantes. On dit aussi,
Rompre les chiens, pour dire, Détourner ailleurs la conversation.
Rompre le dez à quelqu'un,
rompre ses mesures, pour dire, Traverser ses desseins,
rompre quelque coup qu'il vouloit faire.
ROMPU, UË. part. pass. & adj.
On appelle
en Arithmetique un nombre
rompu, une unité divisée en plusieurs fractions.
Bastons rompus, se dit d'un dessein de tapisserie, ou ornement de quelques graveures, qui se fait par l'assemblage & la disposition de plusieurs bastons ensemble.
ROMPU, se dit aussi de celuy qui est habile en quelque profession, pour s'y être fort appliqué, pour l'avoir long-temps exercée. Pour faire des Tables Astronomiques, il faut être
rompu au calcul, s'être bien exercé dans la supputation. C'est un vieux Ministre qui est
rompu dans les affaires, habile en negociation. Ce Facteur est
rompu dans le commerce.
ROMPU, se dit aussi de celuy qui s'est lassé par quelque exercice violent, qui sent de grandes douleurs dans les membres. Un homme qui a trop joüé à la paume, à la boule, qui a couru la poste, dit qu'il est tout
rompu, tout brisé. On dit aussi, qu'un jeu est bien
rompu, quand on a bien des cartes qui ne sont pas de suite.
ROMPU, en
termes de Blason, se dit des armes ou des pieces brisées, & des chevrons dont la pointe d'enhaut est couppée. Voyez
Brisure.
A bastons rompus. Phrase adverbiale & proverbiale, qui se dit des choses qu'on fait negligemment, ou avec interruption. Il ne travaille à cet ouvrage qu'
à bastons rompus, de temps en temps. Je n'ay entendu parler de cette affaire qu'
à bastons rompus, pour dire, Je n'en sçay pas la suite, les particularitez. Il y a aussi un jeu qu'on appelle de propos
rompus.
On dit proverbialement, qu'un homme a les bras
rompus, quand il ne veut point travailler, quand il est payé d'une besogne : ce que l'Espagnol dit agreablement,
A dineros pagados bracos quebrantados.