Faire entrer une pointe, un aiguillon dans quelque chose. Les rosiers, les bois espineux
piquent. Une alesne, un poinçon
piquent. Je sens une espingle qui me
pique. Il s'est
piqué au doigt, à la jambe. On dit aussi en ce sens, qu'un Chirurgien a
piqué l'artere, qu'il a
piqué trois fois sans tirer du sang. Menage dit que ce mot vient du
Latin pungere, ou de l'Alleman
piken, qui signifie la même chose. Turnebe le derive de
spicare, ou de
spiculum ; d'autres de
apiculare, qui se dit des abeilles qui
piquent avec leur aiguillon ; d'autres de
pic, oiseau qui a le bec si dur qu'il perce les arbres.
PIQUER, se dit aussi de la morsure de quelques animaux, & sur tout des serpents, des insectes, de la vermine. Euridice fut
piquée au talon par un serpent. Cleopatre se fit
piquer par un aspic. Les scorpions
piquent par leur queuë. Il fait dangereux d'estre
piqué de la tarentole. Les mouches
piquent les chevaux. Les puces, les fourmis
piquent & mordent.
PIQUER, signifie aussi, Démanger. Quand quelque serosité tasche de sortir, la chair
pique, il faut se faire saigner.
PIQUER, se dit aussi de l'impression que font les corps acres & acides sur le goust. Le sel, le poivre
piquent la langue. Un hareng trop dessalé ne vaut rien, il faut qu'il
pique un peu. On dit d'un maquereau ou autre poisson, qu'il
pique sur la langue, quand il commence à se gaster. Le meilleur cidre est celuy qui
pique le plus.
PIQUER, signifie encore, Ronger le bois, les estoffes. Il faut mettre ce drap à l'air, les vers commencent à le
piquer. Le plus grand dommage qui arrive aux vaisseaux, c'est quand les vers les
piquent. Voilà des livres mal conditionnés, ils sont tout
piqués. On dit aussi, que du bled est
piqué, lors qu'il est gasté de charençons, ou autre vermine, ou qu'il est endommagé.
PIQUER, à l'égard des chevaux, c'est les manier avec les esperons, ou le poinçon. On dit qu'on
pique un cheval, quand on l'essaye au pas, au galop, & à toute bride.
Piquer des deux, c'est à dire, S'enfuir en toute diligence. Il faut bien
piquer pour aller de Paris à Rome en sept jours. On dit qu'un homme
pique en Latin, lors qu'il se tient à cheval comme un Pedant qui n'a jamais été au Manege. On dit aussi, qu'un Mareschal a
piqué un cheval en le ferrant, quand il a enfoncé un clou dans le vif.
On appelle selle à
piquer, une selle à troussequin, en laquelle on est tellement engagé, qu'on peut soûtenir les secousses que donnent les sauteurs, quand on les
pique avec le poinçon.
On dit
en Fauconnerie, Piquer aprés la sonnette, pour dire, que le Fauconnier suit l'oiseau.
PIQUER, se dit aussi en plusieurs sortes d'arts & de mestiers. Un Tapissier
pique un matelas, quand d'espace en espace il le perce avec de la ficelle pour en arrester la laine. On fait des courtepointes
piquées de houatte, de coton. Des bonnets
piqués. Autrefois les cottes d'armes
piquées estoient une arme deffensive. On
pique les corps de juppe avec de la corde & de la baleine. On
pique aussi des baudriers, des sangles, des souliers, en y faisant quelques rangées de points, ou d'arrierepoints. Un Tonnelier
pique un muid avec un foret pour essayer le vin, pour le mettre en perce.
On dit aussi,
Piquer un habit, un pourpoint de peau, pour dire, le decoupper avec un fer, y faire plusieurs petites mouchetures.
En Maçonnerie on dit
piquer du moilon, pour dire, le tailler sans le rendre bien uni, comme celuy dont on fait les puits. On
pique du grais, de la pierre, quand on y fait plusieurs petits creux ou points par ornement. On dit aussi, qu'un Charpentier
pique du bois, quand il le marque d'une certaine maniere.
On appelle aussi,
Piquer la viande, quand on la larde fort proprement, & avec de petits lardons ; qu'on
pique une orange, un citron, quand on enfonce dedans des clous de giroffle ; qu'on
pique des noix confites avec de l'escorce de citron.
PIQUER, signifie aussi, Marquer les presents ou les absents dans les Compagnies où l'on doit le service, dans les atteliers où on doit travailler. A la Chambre des Comptes, dans la plus-part des Chapitres, on
pique tous ceux qui se trouvent presens. Dans les atteliers il y a un Piqueur qui marque sur le rolle des ouvriers leurs absences & leurs chommages, en les
piquant.
PIQUER, se dit figurément en choses spirituelles & morales. C'est un homme qui se
pique d'être savant, de soudre toutes sortes de questions, de problemes. Il est loüable de se
piquer d'honneur & de probité. Il y a des gens qui ne feroient jamais rien, si on ne les
piquoit d'honneur.
PIQUER, se dit aussi des choses qui nous flattent, ou qui nous choquent. Cet amoureux est
piqué & charmé d'une telle Dame. Ce brutal s'est
piqué, s'est choqué d'une innocente raillerie. On dit aussi, qu'un homme est
piqué au jeu, non seulement quand il veut se raquitter à quelque prix que ce soit, mais encore quand il s'opiniastre à poursuivre une affaire, quelques obstacles qu'il y trouve. Ces deux voisins se sont
piqués, & ont encheri à l'envi cette terre.
PIQUER, se dit proverbialement en ces phrases. On ne sait quelle mouche l'a
piqué, pour dire, On ne sait point le sujet de sa colere, ou de son depit. On dit aussi d'un ladre, qu'il ne sent point quand on le
pique, & de celuy qui est insensible aux affronts.
PIQUÉ, ÉE. part. & adj. On appelle marchandises
piquées, quand elles sont endommagées par le temps, comme quand par son humidité il se fait sur la soye blanche des taches jaunes, & sur la jaune des blanches.