
Cela fait bien longtemps que plus personne ne prie les dieux de l’Olympe et pourtant, ils ne cessent de fasciner. La mythologie grecque nous est parvenue grâce aux épopées d’Homère, d’Hésiode, d’Ovide, et aux scènes peintes sur les vases antiques. Aujourd’hui, elle continue d’inspirer la littérature, le cinéma, les séries, les jeux vidéos. La langue française elle-même en est imprégnée : discorde, dédale, médusé… Quelle divinité, quel monstre fabuleux se cache derrière ces mots ? C’est parti pour un top 10 mythique !
10. céréale
Saviez-vous que les flocons de céréales dans votre bol de lait avaient un lien avec une déesse de la mythologie romaine ? Il s’agit de Cérès, déesse de l’agriculture (Déméter pour les Grecs). En effet, le mot céréale vient du latin cerealis, qui signifie « relatif à Cérès » et, par métonymie, « relatif au blé ». En français, le nom féminin pluriel Céréales désigne, au début du XVIIIe siècle, les fêtes romaines en l’honneur de la déesse Cérès. Le mot céréale désigne aujourd’hui les plantes dont les grains constituent la base de notre alimentation (blé, avoine, orge, riz, etc.) et, par métonymie, les cornflakes ou le muesli dont beaucoup se régalent au petit-déjeuner.
9. pomme de la discorde
Tout passionné de mythologie sait à quel point les dieux grecs étaient susceptibles, et combien il était dangereux de les froisser ! Vexée de ne pas avoir été invitée à un mariage, la déesse de la discorde, Éris, envoie sur l’Olympe une pomme d’or frappée de l’inscription « Pour la plus belle », ce qui provoque une dispute entre les déesses Héra, Athéna et Aphrodite, chacune revendiquant le fruit. Pâris, prince troyen, est sommé de les départager. En échange de son verdict favorable, Aphrodite lui promet l’amour de la plus belle femme du monde, Hélène, épouse de Ménélas (roi de Sparte). Pâris la désigne donc et enlève Hélène, déclenchant la guerre de Troie. C’est de cet épisode que vient l’expression pomme de la discorde, utilisée pour désigner le sujet d’un désaccord ou d’une dispute.
8. adonis
Dans la mythologie grecque, il n’est pas rare de croiser des personnages d’une beauté renversante. C’est le cas d’Adonis, un jeune homme dont s’éprend Aphrodite, déesse de l’amour. Elle décide de le confier à Perséphone, déesse des Enfers, pour le soustraire au regard des autres. Mais Perséphone tombe amoureuse d’Adonis à son tour et refuse de le rendre. Sur l’ordre de Zeus, roi des dieux, Adonis partage son temps entre les deux déesses. Lors d’une partie de chasse, il est blessé à mort par un sanglier, et son sang, mêlé aux larmes d’Aphrodite, donne naissance à une fleur, l’anémone. Le terme adonis désigne aujourd’hui un jeune homme d’une grande beauté, tout comme le mot apollon, en référence au dieu des arts, qui était aussi réputé pour sa beauté.
7. furie, mégère
Si la mythologie grecque a doté la gent masculine de qualificatifs avantageux, il n’en est pas de même pour les femmes ! L’expression comme une furie, employée pour dénigrer voire discréditer une femme en colère, vient des Furies, divinités de la vengeance dans la mythologie romaine, qui correspondent aux Érinyes chez les Grecs. Au nombre de trois (Alecto, Mégère et Tisiphone), elles pourchassent sans relâche les coupables d’actes répréhensibles en les frappant de châtiments terribles et de malédictions. Parmi elles, Mégère a donné lieu à un nom commun, une mégère, qui qualifie une femme jalouse, acariâtre et agressive.
6. harpie
Créatures des tempêtes au service de Zeus, les Harpies sont des monstres à corps d’oiseau et à tête de femme, aux griffes acérées. Animées d’une faim dévorante, elles volent plus rapidement que le vent et raflent tout sur leur passage. À partir du XVIe siècle, harpie est attesté dans un sens figuré pour qualifier une personne (de sexe masculin ou féminin) avide, rapace, qui cherche à s’enrichir par des méthodes brutales au détriment d’autrui. Un peu plus tard, le mot sera utilisé avec le même sens que furie et mégère. Décidément, les divinités vengeresses n’ont pas légué aux femmes les qualificatifs les plus flatteurs…
5. jupitérien
En 2016, Emmanuel Macron déclarait vouloir être un président « jupitérien ». Qu’a-t-il bien voulu dire par là ? Cet adjectif vient de Jupiter, roi des dieux et dieu du ciel dans la mythologie romaine (équivalent de Zeus chez les Grecs). Il est utilisé pour la première fois au XIXe siècle par l’écrivain Honoré de Balzac pour décrire l’expression dure et implacable d’un personnage du roman La Duchesse de Langeais : « la contracture jupitérienne de ses sourcils, son regard de lion ». En référence à la toute-puissance de Jupiter, jupitérien qualifie tout ce qui a un caractère impérieux, dominateur. Emmanuel Macron voulait-il dire qu’il comptait présider la France comme Jupiter règne sur l’Olympe ?
4. médusé
Les Gorgones font partie des créatures les plus redoutables de la mythologie grecque. L’apparence monstrueuse de ces trois sœurs y est sans doute pour quelque chose : des serpents dans les cheveux, le cou recouvert d’écailles… sans oublier que quiconque ose croiser leur regard se trouve immédiatement pétrifié ! Méduse, la plus célèbre d’entre elles, est à l’origine de deux mots de la langue française : l’animal marin qui porte son nom, et dont les tentacules rappellent sa chevelure hérissée de serpents, mais aussi l’expression être médusé, qui signifie « être frappé de stupeur », comme pétrifié. C’est le héros Persée qui parviendra à vaincre Méduse, en évitant son regard mortel au moyen d’un bouclier poli qu’il utilisera comme miroir (ou plutôt comme rétroviseur !).
3. atlas
En 1585, le géographe flamand Gérard Mercator donne à sa collection de cartes le titre d’atlas, en référence au titan Atlas, condamné à porter la voûte céleste sur ses épaules après la défaite des Titans dans la guerre menée contre Zeus pour régner sur le monde. Le terme est depuis employé pour désigner tout recueil de cartes géographiques. Par métaphore, le nom d’atlas fut aussi donné à la première vertèbre cervicale, qui porte la tête. Selon une autre version du mythe, Atlas est pétrifié en une chaîne de montagnes située en Afrique du Nord (qui porte encore son nom) à la vue de la tête de la Gorgone brandie par Persée. À noter que les Titans sont à l’origine d’autres mots de la langue française : titanesque, un travail de titan, et le titane, un métal très résistant.
2. narcissique, narcissisme
Vos réseaux sociaux comptent autant de selfies que ceux d’un influenceur de mode ? Vous pourriez bien être atteint du syndrome de Narcisse. Ce jeune homme d’une beauté exceptionnelle refusait tout amour, brisant les cœurs sur son passage. Pour le punir, les dieux l’ont condamné à tomber fou amoureux... de son propre reflet. Obsédé par son image dans l’eau, Narcisse finit par se donner la mort, et à l’endroit où son sang se répandit poussa une fleur blanche à corolle rouge, qui prit son nom. Voilà l’origine du narcissisme, cet amour démesuré de soi-même, et de l'adjectif narcissique pour qualifier ceux qui en sont atteints. Rien de très flatteur, avouons-le !
1. dédale
L’un des épisodes les plus célèbres de la mythologie grecque est celui du labyrinthe construit par l’architecte Dédale pour y emprisonner le Minotaure, une créature mi-homme, mi-taureau. Le héros Thésée entre dans le labyrinthe, tue le monstre et retrouve la sortie grâce à un fil de laine fourni par son amante Ariane. Cet épisode a donné l’expression fil d’Ariane, qui signifie « fil conducteur, fil rouge ». Le mot dédale, quant à lui, désigne aujourd’hui un lieu où l’on risque de s’égarer à cause de la complication des détours (dédale de couloirs, de portes, de rues…). Il peut aussi être employé de manière abstraite à propos d’un ensemble de choses embrouillées : on parlera ainsi du dédale de l’administration, des sentiments ou… de l’histoire des mots !
Cette sélection témoigne de l’influence durable de la mythologie grecque et romaine sur le français, nous rappelant que les récits anciens continuent de vivre à travers notre langage quotidien. Pour connaître l’origine étonnante d’autres mots hérités de la mythologie, comme pactole, laïus, morphine ou minerve, découvrez les éditions numériques des dictionnaires Le Robert.
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